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Les principaux modèles de venture studio
Malgré certaines caractéristiques communes, les studios possèdent tous des particularités distinctives. Même s’il existe peu de littérature scientifique sur le sujet, nos recherches ont permis de départir trois principaux modèles de venture studio :
Les studios de créations (« Builders »)
Le premier type de studio, souvent appelé « builder », est celui où le studio crée, développe et finance leurs startups à partir de zéro. De manière générale, les studios de création se distinguent du fait que 100 % du processus d’idéation et de validation se fait à l’interne.
Contrairement aux autres acteurs de la chaîne de financement (accélérateurs, incubateurs et firmes de capital de risque), les studios de création n’acceptent pas de candidatures, car une de leur principale valeur ajoutée se situe dans leur capacité à identifier des opportunités, générer des concepts, les valider eux-mêmes et bâtir leur propre portfolio de startups. Cette façon de fonctionner leur permet également d’éliminer la plupart des idées qui ne trouvent pas d’écho dans le marché.
Ce modèle de studio se spécialise souvent dans des verticales spécifiques, telles que les produits de consommation, les solutions logicielles en tant que service pour les entreprises (SaaS), en Fintech ou autres. Une caractéristique supplémentaire de ce type de studio réside dans la part de capitaux qu’ils détiennent dans leurs startups. Étant donné que ce type de studio absorbe une grande partie des risques liés au développement initial des startups, il est commun pour ce type de studio de détenir plus de 30 % du capital de leurs startups. Au Québec, nos recherches indiquent que la part détenue par ce type de studio oscille plutôt autour de 20 % du capital.
Le pionnier de ce modèle est High Alpha. Parmi les acteurs importants de ce modèle, on retrouve Atomic Labs, The Hive, Gemini. Au Québec, Diagram Ventures et Momentum Ventures opère ce type de studio.
Du point de vue opérationnel, dû en grande partie à leur spécialisation et leur architecture opérationnelle, un studio est capable de faire évoluer plusieurs concepts à l’interne simultanément et en boucle en créant une plateforme qui accélère le prototypage de concepts et de validation.
Voici un bref aperçu du processus de créations des studios selon les grandes étapes du cycle par lequel les startups incubées cheminent :
- Idéation : L’étape d’idéation et de validation est effectuée entièrement par l’équipe du studio. Généralement, les studios fonctionnent selon le modèle « Idea-First », donc une idée qui est générée à l’interne ou via les canaux du studio : partenaires, co-investisseurs, etc.
- Validation : Le studio créer un ou des prototypes et les testent afin de valider qu’ils répondent au problème identifié.
- Recrutement et commercialisation : Une fois l’étape de validation complétée, les studios forment une équipe autour du prototype le plus prometteur et passent à l’étape de commercialisation pour en créer éventuellement une startup. Lorsque la startup commence à générer de la traction, le venture studio transfère la gestion de la croissance de la startup à une nouvelle équipe ou bonifie l’équipe existante.
- Croissance : Comme tout type de studio, les « builders » offrent également l’accompagnement opérationnel et stratégique continue, ainsi que le capital nécessaire tout au long du développement de ses startups. [1]
Pour leur permettre de générer des idées en continu et de créer de nouvelles startups en boucle, les studios disposent d’une plateforme de soutien qui est habituellement composée des éléments suivants :
- Des partenaires du studio qui sont impliqués à toutes les étapes du processus de création de nouvelles entreprises. Habituellement, les partenaires sont des entrepreneurs chevronnés et/ou d’entrepreneurs en série.
- Une équipe d’analystes pour identifier les besoins, trouver les opportunités et développer des concepts.
- Une équipe d’experts « back-office » dans divers domaines (développement de produits, marketing, légal, finance et opérations) qui appuient les startups.
- Une équipe pour appuyer le recrutement des futurs fondateurs des startups.
- Un réseau d’experts qui appuie l’orientation stratégique des startups.
- Les capitaux nécessaires pour que les startups puissent atteindre minimalement le stade d’amorçage et acquérir des parts marché. Généralement, le soutient en capital se fait jusqu’à la série A.
Les studios de commercialisation
Le fonctionnement des studios de commercialisation est similaire à celui des « builders » en ce qui concerne la plateforme de soutien, le réseau d’expert et l’architecture opérationnelle qui permettent le développement et le financement de plusieurs startups en parallèle. La principale distinction entre un studio de commercialisation et un studio de création se situe aux étapes d’idéation et de validation initiale, où les studios de commercialisation puisent leur inspiration à partir de propriétés intellectuelles existantes.
Le processus d’un studio de commercialisation peut se résumer de la manière suivante :
- Idéation : Les besoins initiaux peuvent provenir de plusieurs sources. Comme pour les « builders », les studios fonctionnent souvent selon un modèle de type « Idea-First », donc une idée qui est générée à l’interne ou via les canaux du studio : partenaires, co-investisseurs, etc.
Une fois les besoins identifiés, l’équipe du studio repère les propriétés intellectuelles les plus prometteuses qui répondent aux besoins identifiés. Le studio négocie ensuite une licence d’exploitation avec les propriétaires de brevets (université, centre de recherche, etc.). - Validation : La propriété intellectuelle ainsi obtenue passe une étape de validation interne permettant au studio de réaliser des essais supplémentaires et de développer un concept d’entreprise à partir de celle-ci.
- Recrutement et commercialisation : Une fois le concept validé, le studio forme une équipe autour de propriété intellectuelle et passe à l’étape de commercialisation pour en créer éventuellement une startup. Lorsque la startup commence à générer de la traction, le venture studio transfère le contrôle à une nouvelle équipe ou bonifie l’équipe existante pour faire croître l’entreprise.
- Croissance : De l’accompagnement opérationnel et stratégique, ainsi que le capital nécessaire tout au long du développement sont mis à la disposition de la startup.
Cette approche est principalement appliquée dans les domaines des sciences de la vie, de l’AgTech et du DeepTech, des secteurs intensifs en R&D. Les studios de commercialisation bénéficient du fait qu’ils n’ont pas à supporter les coûts de développement et d’idéation ainsi que la validation initiale des technologies puisqu’ils sont effectués par l’institution de recherche. Ils bénéficient également de conditions de licence favorables et de relations à long terme avec ces institutions. Parmi les acteurs majeurs de ce modèle, on retrouve Atlas Venture, Third Rock et Flagship Pioneering. Le précurseur de ce modèle au Canada est TandemLaunch, situé à Montréal.
Les Corporate Venture Studio (CVS)
Le corporate venture studio (CVS) est un modèle qui combine les ressources et l’expertise des grandes entreprises avec l’agilité et la créativité des startups. Un CVS est une entité liée à une grande entreprise qui se consacre à la création et au développement de nouvelles entreprises. Ces entités fonctionnent généralement de manière indépendante avec leurs propres ressources et leur propre financement tout en bénéficiant de ressources supplémentaires par l’intermédiaire de sa société mère. Contrairement aux programmes d’innovation traditionnels, les CVS sont conçus pour générer des modèles d’entreprise et des flux de revenus entièrement nouveaux. L’attrait de ce modèle pour les grandes entreprises vient du fait qu’un studio leur permet d’accéder à de nouvelles idées et technologies, d’explorer de nouveaux marchés et de renforcer leur agilité.
L’objectif, et le principal avantage pour les startups issues de ce modèle de studio, est de tirer parti des ressources et de l’expertise d’une grande entreprise pour identifier les besoins et développer de nouvelles opportunités commerciales. Il peut s’agir de tirer parti des technologies existantes ou d’une propriété intellectuelle détenue par la société mère. Les startups bénéficient également d’une relation privilégiée avec cette dernière et d’un réseau de contact bien établi qui leur permettent une mise en marché plus rapide et plus efficace qu’une startup traditionnelle. Ainsi, les startups issues d’un CVS ont la possibilité d’accéder à un large éventail de ressources, à des opportunités de financement et des conseils stratégiques qu’une startup traditionnelle n’aurait pas forcément à sa disposition[1].
Il arrive également que les CVS prennent la forme d’un partenariat entre un venture studio indépendant (un studio de création ou de commercialisation) et une grande entreprise.
Carrot Ventures, un studio de commercialisation spécialisé en AgTech basé à Calgary, est le résultat d’un partenariat entre Financement Agricole Canada (FAC) et la firme de capital de risque AVAC[2]. Carrot Ventures se positionne auprès des grandes entreprises du secteur AgTech comme un véhicule de commercialisation et de valorisation de propriété intellectuelle non stratégiques (non-core) détenues par celles-ci[3].
Au Québec, Highline Beta est un venture studio indépendant pancanadien, mais actif au Québec, qui travaille en étroite collaboration avec des sociétés comme Clogate-Palmolive, RBC, Morneau Shepell et Green Shield Canada (GSC)[4]. Le partenariat entre la corporation et le studio peut prendre différentes formes (financière, expertise, commercialisation d’une propriété intellectuelle, etc.). À titre d’exemple, Relay Plateform, une plateforme de cotation comparative en assurance, est une entreprise cocréée par Highline Beta et la compagnie de réassurance American Family Insurance (AmFam).[5]
Consultez les autres articles de ce dossier spécial :
Pourquoi avons-nous décidé de faire un dossier sur le venture studios?
Le concept de venture studio, également connu sous le nom startup studio, startup foundry ou venture builder, gagne rapidement en popularité à travers le monde du capital de risque, et le Québec n’y fait pas exception. En discutant de ce concept avec les membres de Réseau Capital nous en sommes venus au constat que ce modèle unique qui allie création de startup et financement peut contribuer, de manière complémentaire, à bonifier des maillons importants de la chaîne de financement comme le deal-flow, le recrutement de la main-d’œuvre, l’implication des grandes entreprises dans le capital risque, le recyclage de talents et la commercialisation de la recherche. Tous des maillons qui, à l’heure actuelle, sont des défis importants pour la chaîne de financement du Québec.
En effectuant quelques recherches, nous avons découvert que le Québec dispose d’une communauté de studios en pleine effervescence dont plusieurs sont, à notre humble avis, des secrets trop bien gardés. Ainsi, nous avons décidé de mettre en lumière ces studios bien de chez nous. Dans ce portrait, nous explorerons le paysage de ces organisations, les opportunités que présente ce modèle et les acteurs québécois qui l’ont adopté.
Nous tenons à remercier Gille Duruflé et Sébastian Boisjoly de la Station FinTech pour leur collaboration à ce dossier.