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Défis et limites d’un venture studio
Les venture studios, bien qu’offrant de nombreux avantages, font également face à certains défis.
Voici la liste des défis et limites auxquels ils sont confrontés.
1. Participation au capital
Comme mentionné dans la section concernant les avantages des venture studios, en contrepartie des risques assumés, ces derniers prennent une participation importante dans les entreprises créées, avec une participation moyenne de 34 % des capitaux[1]. Les studios qui réalisent une plus grande partie du travail avant de recruter un fondateur, comme les « builders », vont habituellement prendre une part des capitaux plus importante. Ainsi, les fondateurs de startups issues de studios disposent généralement d’une proportion de capitaux moins importante que les fondateurs de startups financées de manière traditionnelle. Cette distribution des capitaux initiaux peut rendre certains investisseurs réticents à investir considérant que la participation des fondateurs dans l’entreprise (excluant celle du studio) n’est pas suffisante pour maintenir leur motivation suivant une dilution.[2] Également, dépendant de la part détenue par le studio et de plusieurs facteurs, l’équité détenue peut produire un effet repoussoir pour certains investisseurs qui perçoivent l’équité du studio comme du « capital mort » (dead equity) sur la table de capitalisation. Cela va dépendre en grande partie de la perception qu’on les investisseurs de la valeur ajoutée du studio.
Un autre élément qui peut affecter le financement des startups de venture studio est le fait que certains investisseurs en capital de risque préfèrent investir dans des startups dont l’idée originale provient des fondateurs. Certains investisseurs perçoivent le fait que l’idée originale émane du studio comme un risque sur la motivation et la rétention du ou des fondateurs.
À l’inverse, il y a des startups issues de certains studios reconnus qui sont très prisées par les investisseurs en capital de risque. Étant donné que ces startups ne proviennent pas des canaux traditionnels, le défi dans ce cas-ci pour les investisseurs est de les repérer et de les atteindre.
2. Modèle d’affaires
Lever des fonds pour un studio auprès de commanditaires peut s’avérer beaucoup plus ardu que pour un fonds de capital de risque. Les studios sont des entités plus complexes sur le plan opérationnel que les fonds de capital de risque traditionnels et ils structurent souvent leur levée de fonds en dehors des paramètres classiques (2 % de frais de gestion et de 20 % de commissions sur les bénéfices[3]).
Ils dérogent également à bon nombre de schémas généralement acceptés dans l’univers du capital de risque. Dû à son architecture opérationnelle singulière, les coûts d’opération (OPEX) de ce type de modèle sont beaucoup plus élevés que ceux d’un fonds de capital de risque traditionnel. Le modèle d’affaires doit permettre non seulement d’absorber des coûts d’opération importants, mais également de générer des rendements égaux ou supérieurs à ceux des investisseurs traditionnels, et ce avec un nombre de startups restreint. Trouver le modèle financier adéquat peut devenir un défi important surtout à moyen et long terme.
3. Acquisition et fidélisation des talents
Recruter et fidéliser des fondateurs de qualité peut être un défi, car l’écosystème des startups est très concurrentiel et attirer des individus ayant la combinaison adéquate de compétences et d’expérience entrepreneuriale peut être difficile.
D’un point de vue interne, les studios nécessitent une équipe en résidence diversifiée dont les membres possèdent des compétences et expertises souvent prisées sur le marché. Les studios doivent donc offrir des conditions compétitives pour être en mesure de maintenir une équipe en résidence de haute qualité.
4. Allocation des ressources et scalabilité
Les studios travaillent souvent avec plusieurs startups simultanément, ce qui peut poser des défis en termes d’allocation des ressources. Équilibrer le temps, le capital et l’attention entre différents projets nécessite une planification et une gestion minutieuses pour garantir que chaque startup reçoive le soutien nécessaire. Cela peut être complexe, car les besoins de chacune peuvent varier en fonction de leur stade de développement, de leur secteur d’activité et de leurs objectifs spécifiques. De plus, ce type d’architecture opérationnelle nécessite un apport important et constant de ressources humaines et financières, ainsi les studios ne peuvent créer, accompagner et financer plusieurs startups à la fois. Le nombre de startups que peut produire un studio est généralement limité de 1 à 8 par année.
5. Gestion des attentes
Les studios collaborent avec des fondateurs et des entrepreneurs d’expérience qui ont généralement de grandes attentes quant au succès de leur entreprise. Gérer ces attentes et les aligner avec des résultats réalistes peut être délicat.
6. Maintenir le réseau
Les studios s’appuient souvent sur un réseau d’acteurs externes tels que des investisseurs, des partenaires commerciaux et des experts sectoriels. Construire et maintenir ce réseau nécessite une gestion efficace des relations, des compétences en négociation et la capacité à naviguer dans des réseaux complexes.
7. Équilibrage du contrôle et de l’autonomie
Les studios maintiennent généralement un certain niveau de contrôle et d’influence sur les startups qu’ils soutiennent. Trouver le bon équilibre entre fournir de l’accompagnement et permettre une autonomie entrepreneuriale est crucial. Trouver le bon niveau d’implication sans étouffer l’esprit créatif et innovant des startups peut être un défi.
8. Stratégies de sortie
Comme tout investisseur en capital de risque, les studios visent à générer des rendements sur leurs investissements grâce à des sorties soit par acquisition ou une introduction en bourse (PAPE). Cependant, le séquençage et la réalisation de sorties réussies peuvent être un défi dans un marché dynamique. Cela nécessite une planification minutieuse, une analyse du marché et le maintien d’une connaissance des tendances et des préférences des investisseurs. Des liens solides avec l’aval de la chaîne de financement sont donc nécessaires. En somme, les studios ne sont pas à l’abri de cette réalité propre au capital de risque.
Les studios qui travaillent en partenariat avec les grandes entreprises comme les corporate venture studio (CVS) peuvent avoir un certain avantage de sortie (fusion et acquisition) car l’entreprise a déjà un lien important avec la startup.
9. Culture et intégration
La mise en place d’un corporate venture studio (CVS) peut soulever des défis tels que la culture d’entreprise et la collaboration entre les parties prenantes. Il est important de mentionner que les défis rencontrés par les corporate venture studios ne sont pas exclusif à ce modèle. Un accélérateur ou incubateur qui travaille avec une grande entreprise risque de rencontrer les mêmes défis.
Les corporate venture studios travaillent avec des startups qui ont souvent une culture d’entreprise différente de celle des grandes entreprises. Harmoniser ces cultures peut être un défi, en particulier en ce qui concerne la prise de risque, la rapidité de décision et la flexibilité. Arrimer une culture de grande entreprise qui doit gérer son bilan sur une base trimestrielle avec celle de startups qui visent une croissance exponentielle n’est pas toujours simple. Les studios doivent trouver des moyens de promouvoir une culture d’innovation et de collaboration tout en respectant les différences culturelles existantes. Les corporates venture studios doivent également s’intégrer harmonieusement aux opérations et à la structure organisationnelle des grandes entreprises. Cela peut impliquer des défis tels que l’adaptation des processus internes, l’alignement des intérêts des différentes parties prenantes et la coordination des efforts entre les équipes internes et les startups.
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