Article 1 : Qu’est-ce que le capital de développement ?

mars 2025

Introduction

Le capital de développement, également connu sous le terme anglophone de private equity, est une forme d’investissement qui consiste à injecter des fonds dans des entreprises privées matures, généralement non cotées en bourse. Cependant, ce type d’investissement peut également inclure des opérations telles que les placements privés dans une société ouverte (PPSO) ou encore la privatisation d’entreprises publiques. L’objectif principal des investissements en capital de développement est de prendre une participation significative dans le capital d’une entreprise privée, afin d’en assurer la gestion et, éventuellement, de la revendre.[1]

La prise de parts peut être minoritaire (généralement de 20 % à 30 %) ou majoritaire (plus de 50 %). Une fois l’investissement effectué, l’objectif principal des investisseurs est de maximiser la performance de l’entreprise pour réaliser des rendements élevés à long terme, avant de céder leurs parts à un prix plus élevé, généralement après plusieurs années.

Voici un bref aperçu des différentes étapes qui sont généralement mises en place pour améliorer la performance d’une entreprise lorsqu’une firme de capital de développement intègre l’actionnariat de celle-ci:

  1. Renforcer l’équipe de direction;
  2. Acquérir de nouvelles entreprises pour améliorer les opérations et/ou accéder à de nouveaux marchés (add-on);
  3. Définir une stratégie d’entreprise pour positionner l’entreprise en vue d’une croissance future;
  4. Développer et lancer de nouveaux produits;
  5. Simplifier et améliorer les opérations;
  6. Optimiser la structure du capital (le montant des dettes et des capitaux propres d’une entreprise)[2].

Les investisseurs en capital de développement ciblent généralement des entreprises matures et bien établies nécessitant une revitalisation ou ayant besoin d’une injection de capital pour soutenir et accélérer leur croissance. Les investisseurs peuvent intervenir à différents stades de la vie d’une entreprise : il peut soutenir des entreprises en croissance, restructurer des entreprises en difficulté, ou aider des entreprises matures à se préparer pour une revente ou une introduction en bourse (PAPE).

Ce type d’investissement est fondamentalement illiquide, ce qui signifie que les investisseurs immobilisent leurs capitaux pendant plusieurs années avant de réaliser un retour sur investissement.[3]

Les placements privés dans une société ouverte (PPSO) est également un type d’investissement qui est considéré comme du capital de développement. Un PPSO est une méthode de levée de fonds où une entreprise publique (cotée à la bourse) vend des titres (actions, obligations, etc.) directement à des investisseurs qualifiés, comme des firmes d’investissement ou des investisseurs institutionnels, sans passer par une offre publique classique sur les marchés financiers. Toutefois, ce type de financement ainsi que la privatisation d’entreprises publiques ne seront pas abordés davantage dans cet article.

Comment fonctionne le capital de développement ?

Le processus de capital de développement commence généralement par l’identification d’opportunités d’investissement. Une fois qu’une entreprise cible est identifiée, la firme de capital de développement mène un processus rigoureux d’analyse de l’opportunité, de revue diligente et de négociation des termes et conditions (term sheet) avant de procéder à l’investissement.

Une fois l’investissement réalisé, l’équipe de gestion du fonds s’engage activement auprès de l’équipe de direction dans la gestion de l’entreprise. Ils s’impliquent sur des aspects stratégiques, opérationnels et financiers afin d’améliorer la valeur de l’entreprise. Cela peut inclure la restructuration de l’organisation, l’optimisation des coûts et de la structure de financement ou l’identification de nouvelles opportunités de marché. En règle générale, l’objectif est de réaliser une sortie après 5 à 10 ans.

Les stratégies de sortie les plus courantes incluent la revente à un autre fonds de capital de développement, la fusion/acquisition avec une entreprise stratégique, ou une introduction en bourse.

Structure du capital de développement

Le modèle du capital de développement repose sur une structure bien définie qui permet de mobiliser des capitaux importants tout en optimisant la gestion des investissements. L’image ci-dessous illustre les interactions entre les principales parties prenantes du secteur, réparties entre les commanditaires et les gestionnaires de fonds, ainsi que le fonctionnement des investissements. Voici une illustration des acteurs et de leurs rôles.

Firme de capital de développement (General PartnerGP)

La firme de capital de développement est le gestionnaire du fonds (GP). Elle est responsable de :

  • Lever des fonds auprès d’investisseurs (commanditaires ou limited partners).
  • Identifier, évaluer et sélectionner des entreprises cibles pour les investissements.
  • Participer activement à la gestion des entreprises acquises en leur apportant des améliorations stratégiques, opérationnelles et financières.
  • Concevoir et exécuter des stratégies de sortie, telles que des ventes ou des introductions en bourse, pour maximiser les rendements.

En échange de ses services, le GP perçoit :

  • Des frais de gestion : Généralement de 2 % de la taille totale du fonds, couvrant les coûts opérationnels.
  • Un carried interest : Une part des profits générés par le fonds, souvent autour de 20 % des gains au-delà d’un seuil de rendement prédéfini[4].

Le gestionnaire de fonds (GP) est l’acteur clé dans la création de valeur pour les commanditaires (LP). L’objectif d’un gestionnaire est de posséder plusieurs fonds sous sa gestion.

Commanditaire (Limited Partner – LP)

Les commanditaires (LPs) sont les principaux contributeurs de capital.

Ils investissent dans le fonds, mais adoptent un rôle passif dans sa gestion. Les commanditaires incluent une variété d’acteurs institutionnels et individuels, tels que :

  • Caisses de retraites publiques et privées;
  • Compagnies d’assurance;
  • Individus fortunés et family offices;
  • Fondations et fonds de dotation;
  • Fonds Institutionnels et les banques;

Les commanditaires financent le fonds et en détiennent des parts, mais leur rôle se limite généralement à fournir du capital, à participer au comité consultatif du fonds (LPAC) et à recevoir des retours sur investissement.

Fonds de capital de développement

Le fonds de capital de développement est une entité juridique distincte, structurée comme un partenariat limité. Ce partenariat regroupe les commanditaires (LPs) et le gestionnaire de fonds (GP). Le fonds est limité dans le temps, généralement de 10 ans, avec une période initiale pour investir (5 à 6 ans) et une période ultérieure pour liquider les investissements.

Search fund

Il existe également une structure de fonds qui est différente du modèle traditionnel, le search fund. Ce type de fonds, souvent appelé deal by deal, est alimenté par des capitaux levés spécifiquement pour identifier et analyser des entreprises susceptibles d’être rachetées. Il permet à un entrepreneur de lever des fonds auprès de commanditaires (LPs) pour acquérir et diriger une entreprise privée.

Le processus se déroule généralement en plusieurs étapes. Voici un bref aperçu :

Les search funds se distinguent des fonds de capital de développement traditionnels parce qu’ils se concentrent sur l’acquisition d’une seule entreprise, permettant à l’entrepreneur de jouer un rôle actif dans la gestion quotidienne, contrairement aux investisseurs en capital de développement qui supervisent généralement un portefeuille d’entreprises.

Selon une étude réalisée en 2022 par le Center for Entreprenurial Studies de Stanford ce modèle de financement affiche de solides performances. L’analyse de 526 search funds depuis 1984 a révélé un taux de rendement interne agrégé avant impôts (IRR) de 35,3 % et le rendement sur investissement (ROI) agrégé de 5,2x.[5]

La mise à jour de cette étude en 2024 confirme globalement les tendances observées en 2022, avec quelques variations. Le taux de rendement interne (IRR) est légèrement descendu à 35,1 % contre 35,3 % en 2022, tandis que le rendement sur investissement (ROI) a diminué à 4,5x, comparé à 5,2x précédemment. Cependant, l’IRR des entreprises ayant effectué une sortie a fortement progressé, atteignant 42,9 % contre 36,8 % en 2022, grâce à plusieurs sorties réalisées en 2022-2023 qui ont généré des rendements importants.[6]

Au Québec, il existe plusieurs firmes qui utilisent ce type de structure, notamment La Corporation Financière Champlain et Snowdown Partners.

Comment distinguer une firme de capital de développement ?

Il peut être difficile de distinguer une firme de capital de développement des autres types d’organisations qui composent l’écosystème financier, tels que les fonds de capital de risque, les hedge funds ou les banques d’investissement.

Si une organisation investit dans des titres liquides sur les marchés publics sans s’impliquer dans la gestion opérationnelle des entreprises, il s’agit d’un gestionnaire d’actifs traditionnel ou d’un hedge fund. Les firmes de capital de développement, au contraire, s’impliquent profondément dans la gouvernance des entreprises dans lesquelles elles investissent, souvent en nommant des membres au conseil d’administration ou en apportant leur expertise opérationnelle.

De plus, les firmes de capital de développement opèrent avec un horizon d’investissement à long terme, généralement de cinq à dix ans, contrastant avec les investisseurs sur les marchés publics qui peuvent revendre leurs placements à tout moment.

Le capital de risque est une autre forme de financement, qui se concentre sur les entreprises technologiques en démarrage. Ces entreprises sont souvent à un stade où de nombreux risques technologiques demeurent et où elles n’ont pas encore prouvé la viabilité de leur modèle économique, ce qui rend ces investissements particulièrement risqués. Les investisseurs en capital de risque misent sur des secteurs à fort potentiel de croissance, comme la technologie, les sciences de la vie et les technologies propres.

Le capital de développement, en revanche, se concentre sur des entreprises plus matures, qui ont déjà une rentabilité prouvée ou qui sont sur la voie de la rentabilité. Ces entreprises peuvent nécessiter des capitaux pour financer une expansion ou une restructuration, mais elles sont généralement moins risquées que les startups financées par du capital de risque.

En somme, les éléments qui permettent de distinguer une firme de capital de développement des autres entités similaires dans l’écosystème d’investissement comprennent :

  • L’initiative d’investir dans des entreprises privées ou de privatiser des entreprises publiques vient de la firme elle-même.
  • Lorsque qu’il s’agit d’un investissement majoritaire, elles recrutent ou nomment les dirigeants ou l’équipe de gestion pour piloter l’entreprise.
  • Elles assument une part importante de la responsabilité et des risques liés à l’idéation et à la validation de leurs investissements.
  • Certaines firmes s’engagent de manière continue dans les opérations de l’entreprise, l’améliorant au fil du temps grâce à une co-innovation.
  • Les firmes de capital de développement qui font du rachat (buyout) sont en quelque sorte et à des degrés divers des « bâtisseurs d’entreprises » qui intègrent toutes les étapes du développement sous une stratégie unifiée : elles identifient et affinent une opportunité, constituent l’équipe, dirigent la stratégie de croissance, s’investissent dans les opérations et fournissent le capital nécessaire pour une expansion rapide de l’entreprise.

Le capital de développement : Un moteur de productivité

Le capital de développement joue un rôle prépondérant dans l’économie en fournissant du capital aux entreprises qui ne sont pas prêtes ou ne souhaitent pas se lancer en bourse, mais qui possèdent un potentiel de croissance important. Il apporte non seulement des ressources financières, mais aussi une expertise stratégique et opérationnelle. Le capital de développement est souvent utilisé pour stimuler la croissance ou redresser des entreprises en difficulté, en leur donnant les moyens de se restructurer, de croître ou de se préparer à une revente.

Le capital de développement joue également un rôle déterminant dans l’amélioration de la productivité des entreprises. En injectant des capitaux et en apportant un soutien stratégique, les investisseurs stimulent la croissance et optimisent les performances des entreprises privées.

Voici un bref aperçu des différents apports du capital de développement dans l’économie :

1.Création d’entreprises pérennes: En investissant dans des entreprises à fort potentiel de croissance et en les aidant à devenir plus compétitives et rentables, le capital de développement contribue à créer des entreprises plus résilientes et agressives sur les marchés.

Selon une étude menée par PwC en 2020, les petites et moyennes entreprises canadiennes ayant bénéficié d’un investissement initial en capital de développement ont enregistré, en moyenne, une augmentation notable de leurs investissements en capital, de leur productivité et de leur rentabilité au cours des trois années suivantes, surpassant ainsi les performances d’entreprises comparables n’ayant pas reçu de tels financements[7].

Source : PwC

2.Amélioration de la productivité et de la performance des entreprises : Une étude commandée par Réseau Capital et réalisée par la firme EY sur l’évaluation de l’industrie québécoise du capital de risque et du capital de développement met également en avant l’effet direct de ces financements sur la croissance des revenus, la productivité et les investissements en recherche et développement des entreprises bénéficiaires.

L’étude souligne notamment les trois impacts suivants sur la productivité et la performance des entreprises ayant obtenu du financement en capital d’investissement :

  • Les revenus par employé présentent un taux de croissance augmentant dans les années qui suivent le financement.
  • Les augmentations de la productivité du travail montrent une tendance à la hausse au fil du temps. Cela est dû au temps nécessaire à la mise en œuvre des changements par le biais d’investissements dans la R-D, l’innovation ou d’autres changements stratégiques.
  • En moyenne, les entreprises soutenues par du capital de risque et du capital de développement connaissent une croissance de leurs revenus plus élevée que leurs équivalents non financés. Les différences de croissance sont statistiquement significatives entre les années Y1 et Y3.[8]

Il est à noter que cette étude regroupe le capital de risque et le capital de développement.

 

En somme, le capital de développement est bien plus qu’un simple apport financier. C’est un partenaire stratégique qui, par le biais de financements, d’expertise opérationnelle et d’un réseau étendu, joue un rôle essentiel dans l’amélioration de la productivité et de la compétitivité des entreprises.



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Voici un aperçu des dernières actualités en capital de développement au Québec qui se retrouvent dans Info Capital.


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[1] Chen, J. (2024, 10 avril). Private Equity Explained With Examples and Ways to Invest. Investopedia. https://www.investopedia.com/terms/p/privateequity.asp

[2] KKR. (s. d.). Unlocking Private Equity. https://www.kkr.com/alternatives-unlocked/private-equity

[3] Ibid.

[4] Blystone, D. (17 novembre 2024). Private Equity Management Fees and Regulations. Investopedia. https://www.investopedia.com/articles/investing/072115/private-equity-management-fees-regulation.asp#:~:text=Private%20equity%20funds%20have%20a,performance%20fee%20(usually%2020%25).

[5] Search funds. (s. d.). Stanford Graduate School Of Business. https://www.gsb.stanford.edu/experience/about/centers-institutes/ces/research/search-funds

[6] Kelly, P., & Heston, S. (s. d.). 2024 Search Fund Study. Stanford Graduate School of Business. https://www.gsb.stanford.edu/faculty-research/case-studies/2024-search-fund-study

[7] PwC. (2020). Private Equity: A Significant Driver Of Growth For Canadian Smes. Canadian Venture Capital & Private Equity Association (CVCA). https://www.cvca.ca/wp-content/uploads/2024/04/PwC-Private-Equity-A-significant-driver-of-growth-for-Canadian-SMEs-FInal.pdf

[8] EY, septembre 2024.